Article de Ritama, Sophie Touttée Henrotte, sœur de sœur Pierre Marie Henrotte, religieuse chez les Bénédictines depuis 33 ans
11 mai 2023 - La vérité au grand jour, enfin il est possible de s’exprimer pour avancer main dans la main
Au moment de la sortie de mon livre « Voyage au cœur du lien » en décembre 2016, les Bénédictines étaient sous l’emprise de la mère supérieure et encore dans cette dictature qui ne permettait aucun rapprochement familial.
J’ai souffert pendant des années de cette rupture avec ma sœur, Nathalie, sœur Pierre Marie, nous n’étions que deux dans la fratrie. Son départ a laissé une béance souffrante dans notre cellule familiale. Je me suis retrouvée fille unique au quotidien sans possibilité d’échanger avec elle, à part par des lettres que je pensais plus ou moins lues, ce qui laissait peu de place à l’authenticité de nos échanges.
Depuis le départ, j’ai trouvé qu’elle n’était plus elle-même et sans savoir ce qu’il se passait dans le couvent, je n’ai jamais pu concevoir qu’elle avait autant changé. Tout était évasif dans ses réponses ce qui nous poussaient, mes enfants et moi-même à devenir agressifs, car nous ne pouvions jamais rien savoir de sa vie, de ses journées, de son âge, de ses besoins, tout était transformé en discours religieux très impersonnel.
J’ai eu alors le besoin après tant d’années de quête de ma sœur d’écrire ce livre « Voyage au cœur du lien » au sein duquel j’ai raconté son départ, mon errance, la recherche de Nathalie, ma sœur chérie que j’aimais tant.
A la fin de l’écriture de ce livre en septembre 2016, j’ai eu la certitude qu’il fallait que je contacte Roseline de Romanet. Elle était entrée en même temps que ma sœur, avait pris l’habit et fait ses vœux définitifs le même jour, je les savais liées de ce fait. C’était une évidence, pourquoi n’y avais-je pas pensé avant…
J’ai envoyé un mail à son frère Antoine qui était prêtre à l’église d’Auteuil en lui demandant les coordonnées de Roseline. Très peu de temps après, elle m’a appelée et nous avons longuement parlé. Nous avons ensuite décidé de nous rencontrer. Elle est venue chez moi, et en arrivant nous nous sommes serrées dans les bras, c’était la première fois que je la voyais sans habit de religieuse. J’imaginais ce que serait une rencontre avec ma propre sœur si elle sortait du couvent, j’en étais bousculée…Nous avons passé l’après-midi ensemble et elle m’a raconté une partie de son cheminement, de tout ce qui s’était passé dans le couvent. J’ai été terrorisé de voir toute cette souffrance et par quoi elles avaient pu passer, sans que les familles puissent être au courant. Tant d’années sans qu’elles puissent s’exprimer ou être entendues…
Mon livre n’étant pas encore édité, j’ai rappelé l’éditeur en lui demandant de patienter encore un peu car j’allais changer l’épilogue de mon livre.
D’un commun accord avec Roseline j’ai rédigé un peu plus sur la communauté, en étant prudente pour protéger les sœurs, j’ai juste mis en éveil sur certaines choses qui se passaient et j’ai rajouté des détails plus précis. Je lui ai tout fait relire pour être certaine que cela ne mettrait personne à mal mais je savais que si un jour tout éclatait au grand jour, j’en avais mis suffisamment pour éveiller n’importe quel lecteur.
La veille de renvoyer le livre à mon éditeur, un dimanche matin, Roseline m’a appelée en me disant que la mère prieure venait de décéder. Une page se tournait enfin pour moi, j’ai repris de nouveau mon livre et j’ai pu préciser un peu plus encore, puisqu’elle n’était plus de ce monde, je pouvais donner son prénom.
J’ai décidé d’aller à son enterrement pour aller jusqu’au bout de ma démarche. Mon livre clôturait ce cheminement long et douloureux, et je pouvais enfin avoir la liberté, l’ouverture pour me rapprocher de nouveau de Nathalie, Sœur Pierre Marie. Enfin peut être nous pourrions avoir un discours en vérité ensemble, partager, grandir chacune de notre côté mais toujours reliées dans l’amour.